Thèse de doctorat d'histoire moderne
de Géraud Poumarède
soutenue au sein de l'Université Paris Sorbonne - Paris IV le
12 décembre 2003, devant un jury composé du
Recteur Jean-Pierre Poussou (Université Paris Sorbonne - Paris
IV), président du jury, et de Madame et Messieurs les Professeurs
Elisabeth Crouzet-Pavan (Université Paris Sorbonne - Paris IV),
Lucien Bély (Université Paris Sorbonne - Paris IV), Paolo
Preto (Università degli Studi di Padova), Daniel Nordman (CNRS), Gilles
Veinstein (Collège de France)
VENISE, LA FRANCE ET LE LEVANT (VERS 1520-VERS 1720)
Ce travail aborde les relations entre les souverainetés occidentales
et l’Empire ottoman durant les premiers siècles de la période
moderne (XVIe-XVIIe siècles), à travers les exemples plus
particuliers de Venise et de la France. Il s’organise autour de trois axes
principaux qui correspondent à trois strates possibles de lecture
et d’interprétation. Il s’agit tout d’abord d’étudier la perception
de la menace turque du côté européen et les réponses
qui lui sont apportées, en soulignant le déclin des idées
de croisade et la banalisation de la guerre contre les Turcs. Dans un deuxième
temps, je me suis efforcé d’éclairer les relations diplomatiques
qui unissent Venise et la France à la Porte ottomane, en soulignant
toute l’importance que revêtent aux yeux de la première les
problèmes de la paix et de la guerre et en montrant au contraire
que ces liens se construisent pour la seconde autour d’une alliance de revers
pérenne et durable contre les Habsbourg. Le troisième volet
de cette recherche évoque les réseaux français et vénitiens
en Méditerranée orientale. L’architecture complexe de la présence
vénitienne qui articule les possessions territoriales du Stato da
mar, les implantations consulaires dans l’Empire ottoman et la résidence
d’un ambassadeur ou bayle à Constantinople doit être comparée
aux structures plus souples mises en place par la France sous la forme d’une
toile de consulats toujours plus nombreux et toujours mieux soumis à
l’autorité du pouvoir royal, afin d’expliquer le déclin qui
affecte la première et de révéler au contraire le dynamisme
des secondes. Cette mise en perspective de deux histoires parallèles
débouche finalement sur une réflexion conclusive consacrée
aux rivalités qui opposent les puissances occidentales en Méditerranée
orientale. L’analyse du cérémonial en vigueur à la
Porte, l’étude des querelles suscitées par la protection des
Lieux saints, des Chrétiens d’Orient et des missions catholiques
ou encore l’évocation de la compétition commerciale dévoilent
les principaux enjeux d’une lutte pour la prééminence en Orient.
VENICE, FRANCE AND THE LEVANT (FROM 1520 TO 1720)
This thesis deals with the relations between Western powers and the
Ottoman Empire during the first centuries of the Early Modern period (16th-17th
centuries), notably with the examples of Venice and France. It is organized
around three poles which correspond to three possible levels of understanding
and interpretation. The first question examined is that of the perception
of the Turkish menace to European coasts and the responses that were brought
to bear upon it, underlining the decline of the idea of Crusade and the
common-place nature of war against the Turks. Secondly, the study sheds
light on the diplomatic relations which united Venice and France with the
Sultan’s Gate, thus emphasizing the importance that Venice attached to problems
of war and peace and showing, in contrast, that these links built by
France were undertaken to construct a durable reverse alliance against the
Habsburg Empire. The third part of this research evokes French and Venetian
networks in the Eastern Mediterranean. The complex architecture of Venetian
presence which organized the territorial possessions of the Stato da mar,
its consular implantations in the Ottoman Empire and the residence of an
ambassador or bayle in Constantinople should be compared to the more flexible
structures adopted by the French in the form of a web of consulates ever
more numerous and ever more subjected to royal authority. Thus may be explained
the decline of the former and revealed the dynamic quality of the second.
Putting in perspective these two parallel histories leads to a final series
of reflections on the rivalries that opposed Western powers in the Eastern
Mediterranean. The analysis of the ceremonial in vigour at the Gate, the
study of quarrels provoked by the protection of Holy places, Oriental Christians
and Catholic missions or raising the question of commercial competition
reveal the principal stakes in the struggle for pre-eminence in the East.